Mars/Avril 2005

L'Ode des Loups... Au service de l'homme !
Christophe BEYSSEN est un éleveur un peu particulier. Il fournit l'Ecole des Chiens-Guides d'Aveugles... Voici l'interview à laquelle il a accepté de répondre.

Pouvez-vous en quelques lignes relater votre rencontre avec le B.A. ?
Ma rencontre avec le Berger Allemand remonte à une vingtaine d’années, époque à laquelle je préparais mon avenir professionnel dans le secteur de la réparation automobile. Se noue alors une complicité avec Ulla, une femelle B.A. appartenant au patron du garage dans lequel je travaillais. 

Ulla me fera découvrir combien le Berger Allemand est un chien d’exception, qui impose d’emblée ce sentiment d’indicible harmonie et ce profond respect. Durant les années qui suivirent, mon expérience professionnelle s’enrichira d’un parcourt atypique. A terme, en charge de plusieurs centres autos, mes attributions m’éloigneront du Berger Allemand. Cette privation me conduira à mûrir lentement ce projet d’élevage canin et c’est en 1999, lorsqu’une possibilité de reconversion se profile, que commence l’histoire de "l’Ode des Loups". Dans mon esprit, aucune alternative, ce sera un élevage spécialisé, un élevage de Bergers Allemands.

Travaillez-vous sur les lignées beauté ou travail ou les deux ?
Il semblerait en effet qu’il y est deux approches différentes. Aussi, pour ma part, il n’existe qu’un seul Berger Allemand. C’est celui qui anatomiquement est conforme au standard et apte à une utilisation polyvalente. C’est pourquoi mon cheptel est composé de lices issues des plus grands champions de beauté. Ceux-ci sont titulaires de titres de travail tel que le RCI ou la Schutzund, des disciples qui associent obéissance, pistage et mordant. De plus, il faut savoir que notre Nationale d’Elevage, Championnat de France de beauté, tient compte des aptitudes comportementales. En effet, les sujets de la classe travail, âgés de 2 ans minimum, devront faire l’objet d’une épreuve de courage. Il est donc, à mon sens, opportun de s’intéresser à l’ensemble des critères sans se focaliser exclusivement sur la beauté ou sur le travail.

Comment vous est venue l'idée de proposer un Berger Allemand à une école de chiens-guides ?
Cela avait déjà été fait par le passé et il est vrai qu'en observant ce chien pour le moins exceptionnel on prend conscience qu'on est en présence du roi des chiens, unique race utilisée dans tous les métiers. C'est donc fort de ce constat que j'ai convaincu l'Ecole des Chiens-Guides d'Aveugles du Sud-Ouest. De plus, dans notre élevage, une sélection rigoureuse s'articule autour de la santé, avec des dépistages systhématiques de la dysplasie coxo-fémorale et de la dysplasie du coude, tenant compte des aspects comportementaux et morphologiques. Autant de points qui retenaient l'attention de Madame Oelhoffen, directrice de l'établissement, et de Madame Gabrielly, responsable de l'élevage de l'école.

Le B.A. a t-il les qualités essentielles pour cette fonction ; lesquelles ?
La bonne volonté du Berger Allemand est un atout considérable pour ce genre de mission et les premiers à être convaincu de son efficacité sont les non-voyants eux-mêmes. Doué d’une capacité de discernement surprenante, fondée sur une grande sensibilité et une prédisposition naturelle à apprendre, le Berger Allemand est capable de s’intégrer à des rôles très variés, faisant appel à des réactions émotives antagonistes. Volontaire, parfaitement équilibré et sûr de lui il transmet une sensation rassurante au non-voyant. Aussi, plus grand que le Labrador, il s’impose parfois à certain non-voyant.

Cela met à jour une nouvelle facette de ses aptitudes : comment expliquez-vous que personne n'y ait pensé auparavant ?

Fondée en 1985, l’Ecole des Chiens-Guides d’Aveugles du Sud-Ouest y avait bien pensé sans jamais trouver les lignées bien appropriées. Inspirés de l’expérience Anglo-saxonne, ils se focalisèrent sur le Labrador et le Golden-Retrievers mais restèrent sur leur faim, sachant que les écoles Allemandes utilisaient déjà depuis fort longtemps leur Berger National dans ce domaine.

Combien y a t-il de chiens opérationnels aujourd’hui qui sont passés par l’école avec laquelle vous collaborez ?
Cette collaboration encore récente nous a permis de confier près d’une dizaine de chiens aux familles de tutelles. Sachant que seulement 36 chiens par an, toutes races confondues, sont remis aux non-voyants, l’intérêt que porte l’école au Berger Allemand est encourageant. Toutefois, la difficulté pour l’école n’est pas seulement de faire aboutir les efforts concentrés sur le chien mais aussi de trouver des familles de tutelles. En effet, les familles de tutelles sont les piliers de l’action de l’école, véritables fondations sans lesquelles l’édifice s’écroulerait. Sous le contrôle et avec l’aide d’un personnel qualifié, elles élèvent les chiots pour en faire des chiens équilibrés. Mais voilà, elles sont encore trop peu nombreuses à se manifester.

Quels sont vos projets ?
Les étapes à franchir pour 2005 s'articulent autour de plusieurs axes. L'un des objectifs sera donc le renforcement de notre action auprès de l'Ecole des Chiens-Guides d'Aveugles. Une autre priorité permanente nécessitera d'avoir accès aux saillies sur les meilleurs étalons, privilège qui nous permet de suivre l'évolution de la race et d'intervenir dans son amélioration. Cette démarche qualité sera validée lors des jugement en exposition et l'une des cibles sera la prochaine nationale d'élevage. Mais l'objectif principal restera celui de mériter la confiance que nous témoignent nos B.A. pour que ce chien, qui n'a d'égal, demeure le Berger Allemand "un esprit sain, dans un corps sain, le regard tourné vers le monde..."

Franck HAYMANN